Face à cette réalité, qui compromet chaque jour le bien-être et les droits des personnes, les institutions financières internationales considèrent les problèmes structurels de la dette souveraine auxquels de nombreux pays sont confrontés comme s’il s’agissait d’un simple problème de liquidité, puisqu’il n’y a pas eu la série de défauts de paiement que certains avaient anticipés après la pandémie de Covid-19. Pourtant, la réalité est que les pays du Sud global font tout leur possible pour continuer à rembourser leurs dettes, même si cela implique la mise en oeuvre de mesures d’austérité draconiennes, souvent en suivant les conditionnalités et les recommandations du Fonds monétaire international (FMI). En effet, les paiements de service de la dette écrasent les dépenses publiques essentielles. Le service de la dette intérieure et extérieure a atteint un niveau équivalent aux dépenses totales combinées consacrées à l’éducation, à la santé, à la protection sociale et au climat dans les pays à revenu faible et intermédiaire, dépassant ces dernières de 50 % en Afrique. Ces paiements représentent 2,5 fois les dépenses consacrées à l’éducation, 4 fois les dépenses de santé et 11 fois les dépenses de protection sociale.
À mesure que les prêts bilatéraux et privés diminuent, les banques multilatérales de développement et le FMI augmentent leurs prêts.8 En l’absence d’alternatives, les prêts multilatéraux sont susceptibles d’être utilisés pour rembourser les créanciers privés, ainsi que les créanciers bilatéraux tels que la Chine. Comme par le passé, nous assisterons probablement dans les années à venir à une augmentation du nombre de pays confrontés à des difficultés pour rembourser leurs dettes multilatérales. Cette situation est problématique, car ni le FMI, ni la Banque mondiale, ni les autres banques multilatérales de développement (BMD) ne participent aux restructurations de la dette. De plus, alors que les pays se tournent de plus en plus vers le FMI et les BMD pour obtenir un soutien financier, ils devront accepter les conditionnalités imposées par ces institutions. Ces conditions se concentrent toujours sur l’assainissement budgétaire (notamment, entre autres mesures, la réduction des dépenses publiques et la fiscalité régressive) et les solutions de marché (notamment la promotion des partenariats public-privé et la déréglementation), ce qui limite encore plus l’investissement public pour atteindre les ODD, lutter contre les inégalités de genres ou prendre des mesures pour le climat.